Que vous
assistiez
à
des démonstrations de coups de pieds, de
roulades, de sauts, que vous admiriez l'habileté du "singe", la
force du "tigre", la ruse de "l'homme ivre", que vous soyez
fasciné par un étrange ballet exécuté au
ralenti, que vous voyiez virevolter devant vous : bâton, lance,
sabre, épée pourfendant l'air... il s'agit là
d'une des multiples expressions du "Wushu", terme désignant
l'ensemble des arts martiaux chinois.
Mais par
delà
la
multiplicité des méthodes, des techniques,
des écoles, des styles, vous constaterez que toutes ces
pratiques obéissent à une forme commune : le TAOLU, ou
série, ou enchaînement.
Taolu se compose des vocables tao qui signifie réunir, former un
ensemble, une série qui va d'une position initiale
jusqu'à une position finale
et lu qui désigne l'organisation, le "chemin" du mouvement,
c'est à dire le parcours.
Taolu>et
combat se complètent dans la pratique des arts martiaux. Le
combat s'adresse à une population jeune. Il est
réalisé dans le but de gagner. Bien qu'il s'appuie sur
une technique, la succession des mouvements n'est pas organisée.
Le taolu quant à lui, convient à tout le monde, quels que
soient l'âge et le sexe. Chacun pratique selon ses
capacités ou ses envies. Le choix d'effectuer tel ou tel
enchaînement correspond au plaisir qu'il procure, aux bienfaits
ressentis, au mode d'expression personnel.
Peu exigeant en espace et ne nécessitant pas d'équipement
particulier, il peut se pratiquer en tous lieux. C'est pour ces raisons
que le taolu connaît un tel engouement en Chine. Il fait partie
des plaisirs quotidiens, ainsi que de l'hygiène de vie,
puisqu'il allie l'utile à l'agréable.
Les mouvements
sont
pensés,
organisés selon des règles
prédéterminées.
Il exprime l'intention du combat, ce qui le distingue d'un
enchaînement de gymnastique ou de la danse. Ce peut être
aussi des combats combinés, avec un ou plusieurs partenaires.
Le taolu comprend une suite d'une douzaine à une centaine de
mouvements différents, qu'il faut exécuter dans un ordre
établi.
Chaque série enchaînée possède un contenu,
une structure, un rythme propres, qui lui confèrent un niveau de
difficultés techniques et de force à déployer
permettant une gradation dans les capacités physiques.
Le taolu, en développant les performances physiques, sert de
base et de préparation pour le combat. Mais il touche aussi
d'autre domaines tels que la santé par le contrôle de
l'énergie, l'art par la recherche de l'esthétique, et
l'éthique par la recherche de la vertu.
L'apparition et le développement du taolu, au sein du Wushu,
sont intrinsèquement liés à l'évolution de
la civilisation chinoise.
A l'origine, dans la société primitive (environ 16
siècles avant JC), le combat est une nécessité
vitale. L'homme se bat à la fois contre les animaux sauvages et
contre ses congénères. C'est ainsi qu'il apprend à
attaquer avec les poings, les pieds, à esquiver, à parer,
à rouler ...Il fabrique aussi des armes avec du bois et des
pierres. Il se bat seul ou en groupe. Au cours de
cérémonies rituelles, on danse pour s'accorder la
protection magique des divinités, le plus souvent pour la chasse
ou pour la guerre. On reproduit alors tous les mouvements de combat
pour soumettre la nature ou l'ennemi, et aussi pour s'entraîner.
De même, après la victoire, l'homme primitif aime
manifester sa joie, en reproduisant les mouvements qui l'ont
mené à la réussite. De nombreuses fêtes et
réjouissances sont organisées pour exhiber la force, la
puissance et le prestige du groupe. De là sont issues les
premières formes simplifiées de taolu, distinctes du
combat lui-même.
Le lien
étroit
entre
le taolu de Wushu (les arts martiaux) et le Wutao
(la danse) transparaît dans leur nom même, par la racine
commune Wu.
Wu signifie : bouger, jouer dans l'harmonie et dans la joie.
Ces danses guerrières permettaient parfois de remporter la
victoire en dernière extrémité, comme on le
décrit dans le livre Shang Hai Jien.
L' auteur raconte l'histoire d'une bataille entre deux clans. Les
vaincus se font couper la tête par les vainqueurs. Qu'importe !
Les décapités se fabriquent une tête en figurant
les yeux avec leurs mamelons, et la bouche avec leur nombril. Ils se
mettent ensuite à interpréter une danse guerrière
et font ainsi fuir l'ennemi ! Cet évènement constitue le
premier "bourgeon" du taolu.
Au fil des dynasties Xia (-2000 av JC), Shang (-1700 à -1100
environ) et Zhou (-1100 à -222) le taolu devient une
entité distincte : exercice de santé physique,
démonstration de force, ...et se structure avec les premiers
véritables enchaînements.
Pendant la période des Royaumes Combattants, la danse des arts
martiaux se pratique comme spectacle, comme loisir, comme exercice de
santé, ou encore pour la compétition.
Ce dernier aspect se développe sous la dynastie Qin (-221
à -206) sous des formes diverses : chin na, épée,
imitation de mouvements d'animaux (singe, cheval), homme ivre, armes,
en individuel et en combat combiné...
A la fin de cette période, on raconte que la femme du roi Pa
Wan, Yu Ji, apprenant sa défaite, prit une épée et
l'utilisa pour exprimer sa tristesse. C'est là une autre forme
de danse des arts martiaux.
Sousla
dynastie Han (206 à 220 av JC) l'épée prend un
essor particulier.
A cette époque, le Docteur Hua Tou crée les formes des 5
animaux qui font partie des formes simples. Il s'inspire des techniques
de Tao Yin (ou Qi Gong). Il s'agit d'une gymnastique
énergétique, dont l'objectif est d'améliorer la
santé, sans intention de combat. Cependant, ces exercices vont
influencer profondément le domaine des arts martiaux.
En effet, on s'est rendu compte que les capacités physiques et
psychiques des animaux leur donnaient des aptitudes
particulières à se défendre. C'est pourquoi les
taolu ont imité leurs mouvements, afin d'améliorer et
diversifier les techniques de combat (habileté du singe,
hardiesse du lion, ruse et rapidité du serpent, puissance du
tigre...)
Sous la
dynastie Tang (618-907) les techniques deviennent plus subtiles, plus
fines, et mieux structurées.
Les arts martiaux sont étroitement liés aux autres arts :
peinture, calligraphie, danse... et acquièrent un
esthétisme raffiné.
Sous la
dynastie Song (960-1279), apparaissent les premiers écrits
d'exercices à mains nues, de poing, d'épée, lance,
sabre, fouet, chaîne à 7, 9 13 morceaux...Les taolu
deviennent très complexes et spectaculaires, mettant en
scène parfois plus de 100 acteurs.
Sous la
dynastie Yuan, les styles à mains nues atteignent un haut
niveau. Les exercices individuels de poing (appelés Ta Chuan)
sont très développés et si répandus que
l'expression "faire Ta Chuan" signifiait faire des exercices. On
commence à organiser des examens de taolu.
Sous les Ming (1368-1644), la Chine connaît à nouveau des
problèmes de frontière qui donnent lieu à de
nombreuses guerres. L'état a besoin de vrais combattants. On
revient à un style de Kung Fu plus concret, plus efficace, plus
puissant que sous les Song. Les exercices servent d'entraînement
pour l'armée. On écrit des ouvrages de théorie, de
logique de combat, qui servent de base d'enseignement..
Au XVIème siècle ceux-ci influencent également les
arts martiaux japonais.
Les styles se diversifient et s'améliorent toujours : tao de
sabre, lance, épée, tao du singe, du cerf, du tigre, de
l'ours, de l'oiseau..., techniques d'équitation, techniques
à mains nues, chin na.
La liaison entre les mouvements est de plus en plus subtile,
raffinée..., les déplacements de plus en plus complexes.
Il y a des compétitions de Wushu, individuelles ou à 2
pratiquants. La vitesse, la force, la précision et la
coordination permettent de déterminer 10 grades de
compétence.
Les taolu de bâton du temple de Shaolin deviennent
réputés et sont consignés dans des livres
théoriques.
La dynastie Qing (1644-1912) voit la naissance des taolu de techniques
internes, affinant les techniques externes pratiquées jusque
là, grâce à une autre manière de mobiliser
l'énergie (le Qi).
Cet approfondissement de la connaissance et de la pratique des arts
martiaux se réalise grâce à
l'interpénétration du Wushu par la médecine et les
philosophies taoïste, confucianiste et bouddhiste. Les principes
d'alternance Yin Yang, les 5 éléments, le Yi
Jing...représentent les fondements du Taïchi (naissance du
style Chen), du Bagua, du Xin Yi.
A côté des styles internes sont reconnus les taolu de
style externe : Nord (Cha-Hua-Hong-Pao), Sud
(Yangchuan-Hon-Lio-Tsaï-Li-Mo) et Shaolin.
En 1949,
se
constitue
la Fédération chinoise de Wushu, qui
regroupe tous les styles d'arts martiaux, internes et externes. Mao
ayant interdit les combats, contraires à l'idéologie
communiste, les taolu prennent la première place dans la
pratique du Wushu. Les compétitions s'organisent par
catégorie d'âge (enfants, adolescents, adultes), de sexe,
de styles, individuelle et collective, professionnelle ou amateur. De
nombreux ouvrages définissent les règles précises
de jugement en compétition. Pour le Taïchichuan, le
Nanchuan (style créé pour regrouper toutes les
caractéristiques des taolu de style Sud) et le Chanchuan
(regroupant toutes les caractéristiques des taolu de style Nord)
l'organisation des mouvements est libre mais l'enchaînement doit
faire apparaître clairement les fonctions des mouvements.
Par la suite, sont créées des écoles et des
universités consacrées aux arts martiaux.
Aujourd'hui le taolu compte d'innombrables adeptes dans tous les pays
et les compétitions ont pris une dimension internationale.
Les taolu
ont
été
organisés pour des pratiques à
mains nues ou avec arme, en exercices individuels ou collectifs. Ils
sont codifiés en :
-taolu pour technique de poing, comprenant des exercices à mains
nues pour une seule personne, appelés Chuan Shu
.en styles externes : Chanchuan, Nanchuan, Chiang Xin Chuan
.en styles internes : Taïchichuan (Chen, Yang, Wu, Wu, Sun), Xing
Yi Chuan, Paquachuan
-taolu pour armes, comprenant des exercices à mains
armées pour une seule personne :
.armes courtes : épée (pratiques internes et externes)
sabre, poignard (technique externe)
.armes longues : lance, bâton (pratiques internes et externes)
hallebarde (externe)
.armes doubles : double sabre, double crochet, double lance, double
chaîne (externe)
.armes souples : triple bâton, fouet à 9 articulations,
chaîne à boule dite étoile filante
-taolu pour combat combiné à 2, comprenant des exercices :
.mains nues contre mains nues avec les techniques Ti, Ta, Sue, Na
.armes contre armes avec les techniques Pi (fente droite), Kan (fente
oblique), Ti (attaquer), Tse (piquer), Qua (prendre à revers),
Jie (intercepter, couper), Gue (dévier), Dang (protéger)
.mains nues contre arme : ici tous les cas de figure sont possibles
-taolu pour des exercices collectifs de plus de 4 personnes concernant
la boxe, les armes, et mains nues contre armes.
La première
fonction
du
taolu est de renforcer toutes les qualités
intrinsèques au combat : volonté, vigilance,
capacités physiques et tactiques :
-exercice de volonté : la pratique du taolu
développe la confiance en soi, le courage, la hardiesse, la
détermination, la vaillance. Ces facteurs psychologiques
interviennent dans la qualité du mouvement de façon au
moins aussi importante que les aptitudes physiques. "Un coeur
tranquille gagne 100 coeurs qui tremblent".
-exercice de vigilance : bien que le combat soit
simulé, l'attention à ses propres réactions et
à celles de l'autre est d'une acuité d'égal niveau
à celui d'un combat réel. La réalisation de
l'enchaînement demande une concentration continue, de
manière à être toujours prêt à
répondre à une attaque. Le regard doit suivre le
mouvement en permanence, comme s'il s'agissait réellement de
porter le coup ou d'esquiver une attaque. La mobilité des yeux,
la direction et la profondeur du regard animent le mouvement et donnent
l'impression d'un réel affrontement.
-exercice physique général :
l'innombrable variété des mouvements et des
enchaînements fait du taolu un formidable moyen de
développement physique. Tous les groupes musculaires sont
sollicités, ainsi que les os et les tendons, jusqu'aux niveaux
les plus profonds. Les fonctions motrices et sensitives peuvent
atteindre un degré de finesse tel, que chaque mouvement semble
se propager jusqu'à son point d'impact final sans jamais
rencontrer le moindre blocage. Toutes les parties du corps sont
reliées les unes aux autres pour permettre une mobilité
parfaite.
Plus particulièrement,
la
manière
de mobiliser la respiration, et donc
l'énergie, est très différente d'une discipline
à l'autre, mais se révèle un élément
prépondérant du travail martial.Le souffle constitue un
thème d'études et de pratiques très
développé en Chine.
-dans les pratiques externes, la respiration est haute, thoracique, ce
qui permet une élévation de l'énergie. Elle
libère le corps de la pesanteur et permet une grande
liberté dans les sauts.
L'expiration forcée et l'émission de cris sont
utilisées pour développer la force.
-dans les pratiques internes, la respiration abdominale est
privilégiée pour abaisser le Qi au niveau du Tantien.
Cela favorise l'enracinement, et procure une stabilité sans
faille en toutes circonstances.
La coordination de la respiration avec les mouvements de défense
et d'attaque permet dans un premier temps (inspiration) de garder la
force, puis de l'émettre (expiration) avec une puissance
décuplée.
Enfin,
la vitesse est une aptitude primordiale dans le combat. Pour les
techniques externes, le vainqueur est souvent celui qui porte le
premier coup. Un proverbe chinois dit : "Les premiers mobilisés
conquerront les hommes. " D'où l'intérêt de
développer cette faculté dans les taolu.
-exercice tactique : le taolu permet d'acquérir des techniques
d'attaque et de défense, mais il éveille aussi
l'intelligence du combat. Il développe les différentes
façons de se positionner par rapport à l'adversaire, afin
de mieux l'affronter. L'approche directe n'est pas forcément la
plus efficace. Il faut parfois contourner l'autre pour venir le
surprendre, ou faire mine de s'éloigner et revenir subitement en
rebondissant...
Les Chinois parlent de "1000 techniques de combat" pour illustrer les
innombrables manières de se défaire d'un agresseur. L'un
des principes fondamentaux consiste à trouver le défaut
de la cuirasse de l'adversaire, autrement dit trouver le point faible
comme point d'attaque. Pour les techniques internes, il faut
éviter le solide et attaquer le vulnérable. Ainsi, en
Taïchi, on n'oppose jamais la force à la force. Si l'on
reçoit du Yang, on répond par du Yin, et ensuite
seulement on peut contre-attaquer.
Une autre technique de combat très prisée des Chinois se
compose de provocations, de leurres, destinés à attirer
l'adversaire dans un piège. Par exemple, dans le taolu de
"l'homme ivre", on croit avoir affaire à une personne qui ne
possède plus tous ses moyens, qui titube jusqu'à tomber.
Mais c'est là une redoutable mise en scène
destinée à induire l'autre en erreur et à tromper
sa vigilance. En montrant ses défauts, on cache ses
qualités...
L'origine de ce taolu remonte à la dynastie Song. A cette
époque, un homme but un jour 18 verres de saké, à
la suite de quoi il parvint néanmoins à tuer un tigre.
Cet événement fit de lui un héros dans toute la
province. Or, peu de temps après, alors qu'il se trouvait dans
une taverne, notre homme se trouva en présence d'un individu qui
lui cherchait des histoires. Se rappelant son combat avec le tigre, il
se mit à chanceler, à trébucher, tant et si bien
qu'il tomba sur le sol. L'autre, s'approcha alors de lui, sans
méfiance. C'est alors que "l'ivrogne", toujours couché
par terre, décocha un terrible coup de pied à l'abdomen
de son agresseur, mettant ainsi fin rapidement au combat.
La pratique
des taolu influence également la santé et certaines pratiques internes, tel que le Taïchichuan, peuvent être
réalisées uniquement dans ce but.
Les effets sont immédiats sur les grandes fonctions vitales
telles que
-l'amélioration du système cardio-vasculaire :
l'approvisionnement des muscles en matières et énergie
est de meilleure qualité. En effet, l'entraînement permet
d'activer en plus grand nombre les composantes du système
sanguin comme les capillaires, qui restent inactives chez le
sédentaire. Il s'ensuit un meilleur rendement. Les
conséquences tangibles de cette bonne irrigation se manifestent
par une diminution de la fréquence cardiaque, de la tension
artérielle, un taux de globules rouges plus élevé.
-l'amélioration du système cardio-respiratoire : la
respiration devient plus longue, plus fine, plus profonde. Le volume
pulmonaire s'accroît, alors que la débit respiratoire
diminue. Ces deux phénomènes conjoints améliorent
les capacités de résistance. L'effort peut être
soutenu plus longtemps et plus intensément.
De plus, la récupération après l'effort est plus
prompte. La reconstitution rapide des réserves
énergétiques joue sur l'ensemble des composantes
physiques et mentales du pratiquant : tonicité, vitalité,
stabilité émotionnelle, éveil des perceptions...
Exercice complet
harmonisant le corps et l'esprit, la pratique du taolu trouve une
application naturelle dans le domaine thérapeutique. Elle
renforce l'équilibre général et permet de mieux
résister aux agressions extérieures (maladies,
stress...).
Il faut naturellement choisir les exercices de façon pertinente,
en fonction de la personne et du but à atteindre. Il peut s'agir
soit de renforcer l'activité d'un organe ou une fonction, soit
au contraire de la pondérer, afin de rétablir
l'équilibre.
Pour être pleinement efficace, l'exercice doit être non
seulement adapté à chacun, mais de plus tenir compte de
l'environnement, être pratiqué dans un endroit calme et
sain , et organisé en fonction des saisons, du climat...
Ainsi,
dans la pratique du Paqua Nuei Kung Chuan, le "Taolu du Dragon"
s'effectue face à l'Est.
Sa pleine efficacité se développe au printemps, ceci en
raison des correspondances de cet animal avec le cosmos.
En effet, d'après les principes du Yi Jing, le dragon est en
lien avec le qua "Zhen", c'est à dire avec la naissance du Yang,
le printemps, qui favorise la pousse du Vivant.
L'imitation du mouvement et des qualités de cet animal mythique
va engendrer une stimulation de l'énergie, favorable à la
santé.
Le dragon monte au ciel, en parcourant 9 courbes : il plonge dans la
mer, il amasse l'énergie du Ciel et de la Terre. C'est pourquoi
les exercices utilisent les mouvements de respiration du ventre qui
ramassent (Na) l'énergie de l'Univers pour l'épurer (Tou)
dans l'expiration. Cela permet d'équilibrer le Qi du foie et
ainsi d'agir sur les tendons, la peau, les articulations, la vision...
En équilibrant notre physique et notre mental, la pratique du
taolu révèle en nous, petit à petit, des
qualités plus subtiles, telles que l'intuition et la
clairvoyance.
Ainsi, par une meilleure relation à nous-mêmes et à notre
environnement, nous développons la conscience de notre corps et
de notre énergie et percevons comment nos humeurs affectent
notre comportement et notre santé.
Enfin, la pratique du taolu conduit l'être humain à des niveaux
plus élevés dans l'art et l'éthique. En
exerçant le plaisir des sens (en particulier des yeux), le
plaisir du coeur et le plaisir de l'esprit, c'est l'harmonie externe et
interne qui est recherchée.
Le plaisir
des
sens
est le premier satisfait grâce à la
diversité mais aussi à la continuité des
enchaînements donnant l'impression d'une peinture vivante. Chaque
position évoque une image liée à une
émotion : la vague qui déferle, les nuages qui passent,
la montagne immuable, le lièvre bondissant...mais aussi la
succession de sauts, de roulades, d'attaques, de mouvements puissants
et rapides, soudain suspendus dans l'immobilité et le silence...
provoquent une émotion intense.
Le taolu comporte
également
une autre dimension.: c'est le plaisir du
"coeur", dans son acception chinoise. En effet, une pratique longue et
assidue mène à une connaissance profonde. La satisfaction
externe pénètre alors jusqu'au coeur. On franchit ainsi
une deuxième étape, qui touche le domaine de
l'imagination, de la compréhension, de la sensation.
A ce niveau, les conceptions de la Nature et de la
Société s'incarnent en une harmonie et un
équilibre de l'Être. Le Taïchichuan s'appuie sur la
notion philosophique d' "invariable milieu" développée
par Confucius, en même temps que sur le naturalisme taoïste
qui organise les rapports entre le ciel, la terre et l'homme . Bien que
constitué de mouvements d'attaque et de défense, cet art
dégage une parfaite sérénité. De même
pour le Nanchuan, la violence apparente des mouvements nécessite
un calme intérieur profond. Lorsque règnent
l'équilibre et l'harmonie, chaque chose et chaque être se
développent favorablement.
La troisième et ultime étape touche la
sphère de l'esprit, par la recherche de la vertu. La pratique
martiale, destinée à l'origine à pourfendre son
adversaire, devient progressivement un moyen de réduire le mal
à néant et ainsi d'oeuvrer pour autrui. Le combat
dépasse alors la sphère de l'individu. Il concourt
à la recherche d'un idéal de bienveillance,
d'humanité, d'altruisme, d'amour. L'âme et le corps sont
unis dans un même but. C'est là ce qui caractérise
la conception chinoise de l'harmonie de la personne.