Un Art à Part Entière
| Une Expression de Soi | Biographie de Maître
Sun
Gen Fa
Un Art à
Part Entière
Dans la Chine ancienne, l'écriture était
réservée à l'élite, celle des
lettrés. Dès l'enfance, ceux-ci avaient été
formés, en même temps qu'à la lecture et à
la mémorisation des innombrables idéogrammes, au
maniement du pinceau et de l'encre. Ces outils permettaient de tracer
les caractères d'écriture sur le papier ou la soie, en se
conformant à une technique et une gestuelle précises. Ils
étaient utilisés quotidiennement par les fonctionnaires
chargés d'administrer l'empire. Dès les premiers
siècles de notre ère, en raison des connaissances
techniques et de la pratique assidue qu'elle exige, l'écriture
ne fut pas seulement considérée comme un moyen de fixer
et transmettre les idées, mais aussi appréciée
pour ses qualités esthétiques formelles.
Les praticiens les plus talentueux étaient loués et
estimés, leurs œuvres précieusement conservées et
collectionnées, fidèlement recopiées et transmises
d'une génération à l'autre. Peu à peu, les
critères d'appréciation se précisèrent et
permirent l'établissement d'une tradition esthétique qui
s'est développée de manière continue
jusqu'à nos jours.
Ainsi était née la calligraphie, discipline noble entre toutes
aux yeux des lettrés chinois. Le pinceau flexible, plus ou moins
chargé d'encre permet de transmettre fidèlement au
support de papier, dans leurs moindres inflexions, les gestes du
calligraphe.
Texte issu de la présentation d'une calligraphie dans l'exposition : "
Alors, la Chine " du 25/06 au 13/10 - Paris 2003.
Haut de page
"Une Expression de Soi, une
révélation à soi même"
La calligraphie est une part importante de ma vie.
Au
début de ma pratique, j'avais beaucoup de difficultés
à me contraindre à acquérir la technique en
faisant des exercices. J'étais fougueux et cela m'était
dur de rester des heures immobiles. Mais je savais que pour moi
c'était indispensable de comprendre ce qu'est le " Beau ", quels
en sont ses critères afin de rendre ma pratique martiale
esthétique et d'en faire vraiment un art.
Ne dit-on pas que le Tai Ji Quan est né de l'observation du
combat d'une pie avec un serpent ? La pie attaquait en s'élevant
et en se rabattant sur sa proie. Le serpent était enroulé
en spirale sur lui même, seule sa tête dépassait et
se mouvait pour attaquer. De là est né le principe que la
souplesse vainc la rigidité.
Ce principe interne au Tai Ji Quan, je l'ai retrouvé dans la
pratique de la calligraphie. Ces deux arts s'inspirent de la nature et
puisent leur fondement dans les principes qui l'animent : vide/plein ;
lenteur/rapidité ; légèreté/force ;
rigidité/souplesse …
L'on dit d'un mouvement trop lourd qu'il est comme l'encre noire. Mais,
il est possible qu'à travers la lourdeur soit perceptible la
légèreté, comme l'on peut faire sentir le blanc du
papier dans le noir de l'encre.
Dans le Tai Ji Quan et la calligraphie, l'intention aère le
mouvement lourd et donne des racines, de la force, aux mouvements fins
et légers.
Petit
à petit, j'ai pris goût à cet apprentissage qui
étayait ma pratique martiale puis qui est devenu pour moi un
plaisir, une joie à part entière.
" Jouer de la calligraphie " : telle est l'expression que j'emploie
pour tracer l'écriture, car pour moi, cela s'apparente à
jouer de la musique. Le calligraphe ne produit pas de sons, mais
transcrit des rythmes qu'il s'emploie à rendre de plus en plus
subtiles. Il cherche la musique interne qui donne la beauté de
l'œuvre. Les mouvements du pinceau s'apparentent aux pieds d'un danseur
qui laissent leurs traces sur le papier.
Au travers
de cet art s'opère un travail sur l'énergie interne qui
associe l'intention, la maîtrise du geste, et le jaillissement de
la vie.
L'on dit en Chine que la calligraphie engendre la longévité parce
qu'il faut être profondément détendu, calme,
concentré pour saisir l'essence d'un moment unique qui est le
propre de l'art.
A la différence du peintre, le calligraphe n'emploie pas de couleurs.
Sa technique est plus sobre. Seulement, à l'aide de l'encre, de
l'eau, du pinceau et du papier, l'artiste utilise sa maîtrise du
trait pour révéler les images et le monde qui l'habitent.
Il fait également appel à l'imaginaire de celui qui
regarde son œuvre.
La calligraphie s'appuie sur la poétique et la philosophie afin
d'en retranscrire, par le trait, l'ambiance et les émotions. La
philosophie du Tao, en tant que fondement de toute la culture chinoise,
soude ces deux expressions artistiques.
Ainsi une
histoire, telle que l'aiment se raconter les chinois, illustre les
principes du Yin et du Yang : deux hommes portant des charges sur une
perche doivent se croiser sur un pont. S'ils s'affrontent activement,
ils ne peuvent passer sans dommages. S'ils s'immobilisent, ils n'ont
pas non plus résolu leur problème. Par contre, si l'un
penche à droite et l'autre à gauche, ils peuvent
continuer leur route. C'est donc en harmonisant leur conduite en
recherchant l'équilibre, que la solution est apparue.
Ce principe, l'artiste calligraphe le retrouve dans la tenue de son
pinceau qu'il doit manier de manière tonique et
légère à la fois et, dans la conduite du trait qui
exprime des jeux de rythme, d'équilibre et de rupture. En
répétant les exercices inlassablement, le calligraphe
assimile ces principes dans son corps et son mental. C'est pourquoi cet
art a un impact sur l'artiste lui même et lui permet de se
découvrir dans sa dimension énergétique,
psychique, morale et de s'améliorer à l'infini. A
l'inverse, le trait révèle l'artiste, ses
qualités, son rythme de vie, son âme.
Le
calligraphe s'exerce à reproduire les anciens, les calligraphes
réputés afin de s'imprégner de leurs
qualités artistiques et morales pour ensuite s'en affranchir
dans une transcription personnelle et initier une nouvelle
esthétique.
Dans ma
vie, la calligraphie m'a appris à respecter les lois mais aussi
à m'en affranchir et trouver la liberté car si l'on est
trop crispé, on manque de naturel et si on est trop libre, on
n'a pas de racines.
Calligraphier me permet, grâce à mon intention, de
créer ma vie et d'en laisser une trace telle qu'elle se
reflète en moi. La calligraphie développe une vision
interne de soi même. C'est un langage du cœur et le pinceau est
la langue du cœur.
par Maître Sun Fa
Haut de page
Biographie Maître Sun Fa
Tout jeune, Maître SUN Fa aime peindre et dessiner. Il s'exerce
également à la calligraphie et l'étudie
sérieusement à l'âge de quatorze ans avec son
maître PREM Bo Yin, Président de l'Institut de
Calligraphie de Shanghaï. Depuis, sa pratique est quotidienne.
Son attirance pour cet art traditionnel provient de sa recherche du "
Beau ", qu'il mène en parallèle avec sa pratique des arts
martiaux, tout au long de sa carrière à
l'Université des Sports de Shanghaï.
Son objectif est d'établir un lien entre ces deux arts et d'en
traduire, dans l'espace et le mouvement, les principes identiques qui
les sous tendent : force et souplesse, plein et vide, rapidité
et mouvement suspendu … c'est à dire les principes
complémentaires du Yin et du Yang, bases de la philosophie
chinoise .
Au cours de
sa carrière en Chine, il a créé de nombreux
décors pour des films de Kung Fu .
Arrivé en France en 1989, il réalise le décor du "
Maître de Go ", à la demande du théâtre des
Célestins en 1991 .
Il participe également, du 23 novembre au 03 décembre
2000, à l'exposition organisée par Terre d'Amitié
: exposition consacrée à la calligraphie de diverses
cultures et ayant pour thème " des rites et des mots ". Il
présente alors une soixantaine de poèmes
calligraphiés.
Haut de page
Tous droits de reproduction réservés